L’objectif de l’accord — qui sera négocié du 13 au 24 mai par plus de 190 pays membres de l’agence de l’ONU pour la propriété intellectuelle (OMPI) — est de combattre la "biopiraterie", à savoir l’utilisation des ressources génétiques et des savoirs traditionnels associés sans l’accord de ceux qui les détiennent et sans qu’ils puissent en bénéficier.
Ces ressources — comme les plantes médicinales, les variétés végétales et les espèces animales — sont de plus en plus utilisées dans de nombreuses inventions par la recherche et l’industrie (cosmétiques, semences, médicaments, biotechnologie, compléments alimentaires...).
Si ces ressources ne sont pas brevetables en tant que telles, elles peuvent servir de base, ainsi que les connaissances traditionnelles conservées par les peuples autochtones au fil des générations, à des « innovations » qui pourront l’être, donnant lieu parfois à de longues batailles juridiques.
Comme il n’est pas obligatoire de publier l’origine des innovations, de nombreux pays en développement sont inquiets quant au fait que des brevets sont accordés sans que les peuples autochtones en soient informés ou pour des inventions qui n’en sont pas réellement. « C’est ce que l’on appelle familièrement le biopiratage », selon Wend Wendland, directeur de la Division des savoirs traditionnels de l’OMPI.
Que dit le projet de texte ?
Plus d’une trentaine de pays disposent d’exigences nationales de divulgation. Il s’agit pour la plupart de pays en développement, dont la Chine, le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud, mais aussi des pays européens, comme la France, l’Allemagne et la Suisse. Ces textes diffèrent les uns des autres et ne sont pas toujours obligatoires.
Le projet de texte stipule que les déposants de demandes de brevet seront tenus de divulguer le pays d’origine des ressources génétiques de l’invention et le peuple autochtone ayant fourni des savoirs traditionnels.
L’objectif est d’accroître « l’efficacité, la transparence et la qualité » du système des brevets pour s’assurer que l’invention est bien nouvelle et que les pays et communautés concernés ont donné leur accord.
Cette transparence doit renforcer la mise en œuvre du Protocole de Nagoya qui prévoit que les personnes fournissant des ressources génétiques ou des connaissances traditionnelles bénéficient d’avantages — monétaires ou pas — découlant de leur utilisation.
La Colombie en première ligne
Les pays en développement réclament depuis des décennies plus de transparence sur l’origine des ressources génétiques, avec en 1999 une première demande officielle faite par la Colombie auprès de l’OMPI.
Il aura fallu des années de négociations pour réduire les 5.000 pages de documentation sur le sujet au projet actuel faisant 11 pages.
Il y a deux ans, les pays ont contre toute attente accepté de convoquer une « conférence diplomatique » pour conclure un accord au plus tard en 2024. Seuls les États-Unis et le Japon s’étaient « officiellement désolidarisés de la décision », sans toutefois s’opposer au consensus.
L’OMPI espère qu’un accord sera adopté par consensus. Un accord « serait perçu comme une victoire, en particulier pour les peuples autochtones et les pays en développement », indique à l’AFP Thiru Balasubramaniam, de l’ONG Knowledge Ecology International.
Les sujets qui coincent
Toutefois, plusieurs questions doivent encore être négociées, dont celle, cruciale, des sanctions en cas de non-respect des règles.
Le texte prévoit de donner la possibilité aux déposants de brevets de rectifier toute non-communication des informations avant d’imposer des sanctions et il stipule que le brevet soit révoqué uniquement en cas « d’intention frauduleuse ».
Les pays doivent aussi s’entendre sur la définition d’une ressource génétique. Et il y a des désaccords sur les informations que les déposants devront apporter : faut-il par exemple donner le pays dans lequel la plante a poussé ou bien son premier lieu d’origine ?
D’autres questions se posent concernant le champ d’application de l’accord, pour savoir par exemple s’il faut inclure les ressources génétiques humaines. Certains pays voient aussi d’un mauvais œil la mention dans le texte de « peuples autochtones ».
La Chambre de commerce internationale appelle, elle, « à tenir compte de la voix des entreprises pour trouver un équilibre approprié » afin de ne pas créer des obstacles à l’innovation tout en tenant compte des questions soulevées concernant la gestion de l’utilisation des ressources génétiques.