À ce rythme, les déchets courants (hors déchets industriels et de construction) devraient atteindre 3,8 milliards de tonnes au milieu du siècle, dépassant les prévisions du précédent rapport consacré à ce thème par la Banque mondiale. La crise sera d’autant plus aiguë que leur croissance s’annonce particulièrement marquée dans des pays où leur mode de traitement reste polluant : décharges, incinération à ciel ouvert (pollution des sols, émission de gaz à effet de serre comme le méthane ou de polluants comme le carbone suie)...
« En dépit d’efforts, peu de choses ont changé », résume le nouveau rapport produit par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) [1]. « L’humanité est même revenue en arrière, générant plus de déchets (...). Des milliards de gens ne bénéficient pas d’une collecte de leurs détritus ».
Si dans les pays riches l’essentiel est ramassé, le taux de collecte est à moins de 40% dans les pays à faibles revenus.
Aujourd’hui, entre 400.000 et un million de personnes meurent chaque année de maladies liées à une gestion inappropriée des ordures (diarrhées, paludisme, pathologies cardio-vasculaires, cancer), souligne le rapport publié pour la VIe session de l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement, organisée cette semaine à Nairobi.
Les déchets abandonnés sur le sol diffusent pour longtemps pathogènes, métaux lourds et autres perturbateurs endocriniens dans les sols et les nappes phréatiques. Leur combustion à ciel ouvert relâche des polluants persistants dans l’atmosphère. Les déchets organiques qui se décomposent en décharges seraient pour leur part responsables de 20% des émissions humaines de méthane, le plus réchauffant de tous les gaz à effet de serre.
Des opportunités
Si rien n’est fait, le coût direct et indirect des déchets dans le monde devrait presque doubler pour atteindre 640 milliards de dollars annuels d’ici à 2050, estime ce rapport, à la fois "guide et appel à l’action". En 2020, le coût direct du traitement des déchets était évalué à 252 milliards de dollars (361 milliards si l’on inclut les coûts indirects liés à la pollution générée par les installations ou modes de gestion inadaptés).
Il y a « urgence » à commencer « une réduction drastique des détritus » et à investir dans l’économie circulaire, appelle l’ONU : « Nous devons agir pour éviter le scénario du pire ».
« De nombreuses économies à la croissance rapide se débattent sous le poids croissant des déchets », souligne la directrice du PNUE, Inger Andersen, pointant le rôle clé des acteurs publics et privés qui peuvent trouver là « des opportunités pour créer des sociétés plus viables ».
Garder les déchets "sous contrôle", notamment via de meilleurs modes de traitement, pourrait limiter leur coût annuel net à 270 milliards de dollars d’ici à 2050. Mais il est possible d’aller plus loin, en s’orientant vers une vraie économie circulaire, de meilleures pratiques des industriels et une gestion complète des ordures résiduelles, le tout pouvant même générer un gain net de plus de 100 milliards de dollars annuels (génération d’énergies, réutilisation, création d’emplois...), plaide le rapport, intitulé Transformer les détritus en ressources (Turning rubbish into a resource).
Mais parmi les freins, les auteurs relèvent toujours « un manque de reconnaissance de cette urgence » : « les dirigeants politiques doivent reconnaître l’urgence de la crise et ses impacts sur la société », insistent-ils.