« Ici on utilise des lumières infrarouges, des lasers, des caméras et l’intelligence artificielle », décrit Mattias Philipsson, PDG de Sweden Plastic Recycling, une organisation à but non lucratif détenue par les industriels du secteur. Opérationnelle depuis fin 2023 à Motala, à 200 km au sud-ouest de Stockholm, l’installation est présentée par ses propriétaires comme « la plus grande et la plus en pointe technologiquement au monde ».
12 types de plastiques
Le site, entièrement automatisé, peut traiter 200.000 tonnes de déchets par an et permet d’isoler douze types de plastiques, contre quatre dans les usines classiques. Ses exploitants espèrent tirer profit de nouvelles directives européennes qui imposeront dès 2030 un pourcentage de plastiques recyclés dans la composition des emballages neufs.
« Nous recevons les emballages qui ont été mis à la benne plastique par les familles suédoises », dit à l’AFP le patron du site. « Ici, on a la capacité de traiter l’équivalent de tous les déchets plastiques du pays ».
Par milliers, les emballages progressent dans un dédale de machines où ils sont identifiés et séparés au fur et à mesure en une dizaine de catégories ou "fractions" distinctes. Sur l’un des tapis, une lumière infrarouge scanne en temps réel les emballages, un soufflet automatique propulse ensuite les morceaux de plastique dans différentes directions en fonction de leur type.
Marge de progression
Beaucoup de ces fractions comme le polystyrène ou le PVC n’avaient jamais été isolées auparavant au cours du tri, cela signifie qu’elles vont pouvoir être réutilisées en tant que telles pour la première fois. « L’idée c’est de s’inscrire dans une économie circulaire et de limiter l’usage des énergies fossiles », souligne Mattias Philipsson. « Auparavant, plus de 50% des plastiques partaient à l’incinération parce qu’ils n’étaient pas identifiés. Maintenant c’est moins de 5% », ajoute-t-il.
Le pays scandinave n’est pas exemplaire en matière de recyclage. En 2022, 35% des déchets plastiques ont été revalorisés, selon l’Agence environnementale suédoise contre 40% en moyenne dans l’Union européenne. L’incinération des déchets plastiques contribue pour environ 7% à l’émission des gaz à effet de serre dans le pays, selon l’organisme.
« Les Suédois sont forts pour le recyclage du métal, du papier et du verre parce qu’on a cette habitude depuis longtemps et qu’on a une industrie qui est intéressée par ces matières, mais ce ne n’est pas le cas du plastique » analyse Åsa Stenmarck, experte pour l’agence gouvernementale. « Le tri est un vrai problème, les déchets plastiques ne sont pas assez séparés dans les foyers et les entreprises, c’est sur cela qu’il faut travailler ».
3 fois plus de déchets plastiques d’ici 2060
Le plastique recyclé peine à attirer les industriels car son prix est en moyenne 35% plus élevé que la matière première neuve.
« Certaines des catégories sur l’usine de Site Zéro sont très peu communes sur le marché du recyclage. C’est assez courageux de se lancer sur ce segment sans qu’il y ait encore de débouchés », souligne Åsa Stenmarck, qui juge que le législateur doit encourager ce marché. « Une solution consiste à imposer des exigences en matière de contenu recyclé dans les produits neufs. C’est le cas avec la proposition de Règlement sur les emballages et déchets d’emballage à l’échelle européenne », poursuit-elle.
Les Vingt-Sept ont conclu un accord le 4 mars pour que les emballages plastiques incorporent entre 10% et 35% de produit recyclé, selon leur usage, d’ici 2030. « Ça va complètement changer la donne pour l’industrie », réagit Mattias Philipsson. « Le seul moyen d’atteindre ces objectifs sera d’améliorer le tri ».
Alors que l’OCDE anticipe un triplement de la quantité des déchets plastiques d’ici 2060, les acteurs de l’environnement portent un jugement plus sévère sur la filière. « On a le sentiment que ce discours d’une amélioration des performances techniques vient surtout appuyer l’idée que l’on peut continuer tel quel », souligne Henri Bourgeois-Costa, spécialiste déchets plastique pour la fondation Tara Ocean. « L’enjeu ce n’est pas de mieux les trier pour mieux les recycler (…) mais de les remplacer et de les supprimer. Il ne faut pas inverser le propos ».
D’autres projets sur le modèle de Site Zero sont en cours de conception ailleurs en Europe, deux en Allemagne et un en Norvège.