Premium Beauty News - Où en est la division Tubes d’Albéa aujourd’hui ?
Nicolas Yatzimirsky - L’activité Tubes représente aujourd’hui un peu plus de la moitié du chiffre d’affaires du groupe. Nous poursuivons notre développement avec l’acquisition récente de la société indienne Abdos Lamitubes. Cette opération nous permet de disposer de trois nouveaux sites de production en Inde (Assam et Uttarakhand), mais aussi d’un site à Dubaï, Émirats Arabes Unis, et d’un autre à Lagos, au Nigeria. L’Inde est évidemment un marché stratégique et l’Afrique subsaharienne présente une croissance très forte, même si les volumes sont encore faibles pour l’instant.
Albéa Tubes compte donc aujourd’hui un total de 24 sites de production, qui nous permettent d’être au plus près de nos clients dans le monde entier. Depuis la vente à Silgan de notre activité au Brésil, l’Amérique du Sud est l’une des seules régions où ne nous sommes pas présents industriellement. Nous n’avons pas de projet à court terme, mais notre retour à terme dans cette région dynamique fait partie de nos sujets de réflexion.
Premium Beauty News - Quel a été l’impact de la hausse du prix des matières premières et des perturbations des chaînes d’approvisionnements pour la division ?
Nicolas Yatzimirsky - Comme tous les industriels du packaging nous avons subi des hausses importantes du prix des matières premières mais aussi des cartons, du transport, de l’énergie. Le déséquilibre offre-demande lié à la reprise de l’économie mondiale dans la période post-Covid a été amplifié par une série d’événements exceptionnels qui ont touché les usines de plusieurs fournisseurs importants de matières premières. Mais les équipes ont fait des efforts considérables pour à la fois anticiper et réagir le plus vite possible, notamment en augmentant nos stocks, ce qui nous a permis d’honorer nos commandes mais pèse sur notre cash. Donc malgré les hausses de coûts, nous avons pu éviter jusqu’à présent des ruptures d’approvisionnement pour nos clients, ce qu’ils ont apprécié. Les équipes ont vraiment fait un travail remarquable.
Premium Beauty News - Récemment Albéa a communiqué sur de nombreuses innovations, tant en termes de réduction de matière ou de recyclabilité. Le futur du tube est forcément écologique ?
Nicolas Yatzimirsky - Indiscutablement ! Albéa a ainsi été un des premiers à développer des tubes de dentifrice (et de cosmétique) recyclables, et nous continuons à convaincre nos clients d’aller dans cette direction. Nous avons aussi lancé un tube partiellement en papier, en partenariat avec L’Oréal, et nous développons des tubes et des bouchons de plus en plus légers, qui permettent d’utiliser beaucoup moins de plastique. Notre toute dernière capsule a été éco-conçue pour « visualiser » l’économie de matière. Cela permet de renouveler l’esthétique des tubes, et de faire tenir les tubes debout pour se passer d’emballage secondaire.
En tant que fournisseur d’emballages, nous faisons notre part du travail. Mais force est de constater que le plastique n’est pas encore assez recyclé ! Même si l’empreinte carbone d’un tube plastique est très faible par rapport à n’importe quel autre emballage, sa légèreté fait que les consommateurs ne se rendent pas toujours compte de la valeur potentielle du recyclage. Et tant que les emballages seront mal recyclés, il sera difficile de mettre en place une véritable économie circulaire du packaging plastique.
Comme nos clients, nous avons pris des engagements publics structurants concernant la recyclabilité de nos produits et la réduction de notre empreinte carbone. D’ici 2025, 100% des emballages plastiques fabriqués par le groupe seront réutilisables ou recyclables !
Pour relever ce défi, nous avons travaillé sur tous les fronts : changement de résines, utilisation de matériaux alternatifs, de matières recyclées, allègement, etc. Mais l’avenir du tube c’est la recyclabilité !
Aujourd’hui, les technologies de recyclage chimique permettent d’obtenir de la matière dont les performances esthétiques et fonctionnelles sont identiques à celles de la matière vierge. Les capacités sont encore nettement insuffisantes, mais elles se développent, grâce à l’implication de grands industriels du marché.
Premium Beauty News - Comment percevez-vous les renforcements des contraintes réglementaires et peut-être même la signature d’un traité mondial sur la pollution plastique ?
Nicolas Yatzimirsky - Les contraintes réglementaires en matière de recyclage du plastique sont souhaitables. Plus le plastique sera recyclé, moins il y aura de pollution plastique, plus les gens accepteront le plastique chez eux ! Une industrie ne peut pas durer si elle va à l’encontre des attentes des citoyens et des consommateurs…
Et l’insuffisance du recyclage pèse aussi sur le développement de l’économie circulaire du plastique, puisque la quantité de plastique recyclé disponible est encore bien inférieure à la demande…
En ce qui concerne Albéa, nous sommes déjà bien préparés avec un large portefeuille de solutions pour répondre aux attentes environnementales de la société et au positionnement des marques … Mais nous voulons aller plus loin et surtout plus vite. Nous voulons agir collectivement, avec tous les acteurs de la chaîne de valeur de l’emballage, pour développer le recyclage du plastique, définir les nouveaux standards du marché, et continuer à proposer les emballages désirables qui définissent notre industrie.
Premium Beauty News - La mise en place d’une économie vraiment circulaire est-elle possible pour le tube plastique ?
Nicolas Yatzimirsky - Je crois qu’aucun emballage ni aucun matériau ne peut prétendre parvenir à une circularité complète. Mais on peut imaginer que 60 à 70% du plastique sera recyclé d’ici quelques années, ce qui serait déjà un progrès considérable par rapport à la situation actuelle. Pour compléter l’élimination du plastique d’origine fossile, des solutions existent ou sont déjà en développement, notamment des résines biosourcées qui ne soient pas en compétition avec l’alimentation. Il ne faut pas oublier que le plastique est un matériau très récent, dont la technologie est loin d’avoir atteint le stade de maturité. Sa légèreté est un atout environnemental important, pour le reste nous avons déjà beaucoup progressé et je suis confiant dans notre capacité collective d’innovation !
Premium Beauty News - À quand le tube rechargeable ?
Nicolas Yatzimirsky - On pourrait sans doute le faire. Mais cela pose des questions d’acceptabilité et de rapport coût-bénéfices : il n’est pas certain que la logistique de reprise, nettoyage, re-remplissage soit moins impactante sur l’environnement qu’un bon recyclage…
Premium Beauty News - Quelle est votre vision de l’avenir de ce marché ? Comment Albéa souhaite se positionner dans ce contexte ?
Nicolas Yatzimirsky - Je crois sincèrement à l’avenir du tube et du plastique.
Cet emballage universel est léger, pratique, compétitif, hygiénique, protecteur des formules, et magnifiquement décorable. Son empreinte carbone est faible relativement. Nous allons définir les nouveaux standards qui le rendront partout recyclables, et travailler avec notre écosystème pour développer le recyclage effectif et à l’échelle.
Oui, nous ne ferons bientôt pratiquement que des tubes recyclables !
En 2018, lorsque nous avons, avec de nombreux clients, signé l’engagement de la Fondation Ellen McArthur, 2025 semblait loin et la feuille de route ambitieuse. Après une pandémie, une crise d’approvisionnements majeure, une inflation galopante et maintenant une guerre en Europe, dans un contexte règlementaire exigeant, 2025 est juste devant nous. Nous avons fait preuve d’innovation, de détermination, de collaboration, d’ambition – c’est maintenant l’heure du sursaut collectif pour tenir nos engagements vis-à-vis de la planète, de nos parties prenantes, et de nos enfants.